L’acceptabilité sociale, oui mais à quel prix?

Par Sébastien Trottier

Imaginons ce projet hypothétique :

Une entreprise souhaite exploiter une nouvelle mine de lithium qui contribuerait grandement à l’électrification des transports et à la réduction des GES. Elle créerait des milliers d’emplois directs et indirects, aurait un impact majeur sur l’économie de la province et son aménagement amènerait la construction de routes qui relieraient des communautés isolées du nord de la province.

D’un autre côté, ses opérations et son aménagement détruiraient des milieux humides, impacteraient certaines espèces animales et nécessiteraient un investissement initial important du gouvernement.

Il y aurait clairement des avantages et des inconvénients dans les trois sphères du développement durable (économie, environnement, société).

On peut certainement présumer que des parties prenantes appuieraient sur la place publique la réalisation du projet tandis qu’un mouvement d’opposition se créerait tout aussi rapidement.

Alors on fait quoi avec ce projet ? On va de l’avant ou pas ?

Aujourd’hui, on entend souvent le promoteur d’un grand projet insister sur l’importance d’avoir l’acceptabilité sociale pour aller de l’avant. Même son de cloche du côté des regroupements de citoyens ou des organisations. Un projet n’est pas le bienvenu chez eux tant que l’acceptabilité sociale n’est pas au rendez-vous.

Alors à quel moment peut-on déterminer si l’acceptabilité est là ou pas ? Qui décide réellement ? Est-ce qu’on peut mesurer le niveau d’acceptabilité sociale ? Y a-t-il un seuil ou un pourcentage d’appuis à atteindre ?

Et se pourrait-il même que les parties prenantes ne répondent pas de la même façon à toutes ces questions ? Est-ce possible qu’elles ne s’entendent pas sur la notion même d’acceptabilité sociale ? Réponse (très) courte et facile : oui.

C’est quoi au juste l’acceptabilité sociale ?

Même si le concept d’acceptabilité sociale a souvent un droit de vie ou de mort sur un projet, sa définition demeure imprécise. On pourrait même dire qu’elle est quelque peu subjective et donne lieu à une certaine interprétation. Alors que pour de nombreux théoriciens, l’acceptabilité sociale est le résultat d’un jugement ou d’une opinion collective à l’égard d’un projet, d’autres diront que c’est plutôt l’atteinte d’un consensus qu’il faut viser. Dans les deux cas, ça reste flou, abstrait et subjectif.

Nous vous soumettons humblement cette question toute simple :

L’acceptabilité sociale est-elle nécessaire à tout prix et souhaitable dans tous les projets ? Ou en d’autres mots, est-ce que dans certains cas, le bien commun devrait avoir préséance sur des impacts légitimes, mais localisés et pouvant être mitigés ?

Si on revient au grand projet hypothétique, à quel moment pourra-t-on statuer que l’acceptabilité est atteinte (ou non) ? Et qui pourra statuer ?

Le promoteur du projet et/ou ses partenaires ? Ils ont un parti pris évident.

Les citoyens qui s’opposent au projet ? Il y a fort à parier qu’ils aient aussi une perception défavorable et une position totalement irréconciliable avec le projet.

Le gouvernement ? Il a probablement aussi un biais. Mais comme il a été démocratiquement élu, pourrait-on dire qu’il a une certaine légitimité à trancher le débat ? Certains diraient que oui. S’il est fondamentalement convaincu que l’intérêt collectif s’en trouve mieux servi, il peut agir en respectant certains principes et après avoir réalisé une démarche de participation publique rigoureuse.

Et s’il se trompe dans sa lecture de la situation et que sa décision s’avère la mauvaise aux yeux de la population, celle-ci pourra le sanctionner et lui montrer la porte à la prochaine élection.