La quantité, c’est bien. La qualité, c’est mieux. (Mais les deux, c’est l’idéal !)

Par Élise Tardif-Turcotte

Lorsqu’il est question de la réussite d’une consultation publique, le réflexe naturel est souvent de regarder les chiffres : combien de personnes ont participé ? Combien de mémoires ont été déposés ? Combien de clics sur la plateforme en ligne ? La représentativité quantitative est, certes, un indicateur précieux. Mais à trop vouloir remplir les salles et les questionnaires, on risque de passer à côté de l’essentiel : s’assurer de faire participer les « bonnes » personnes pour que la démarche soit réellement rigoureuse et utile.

Plus qu’un simple décompte

Un processus de consultation publique efficace se doit en effet de recueillir des perspectives diversifiées et pertinentes, qui reflètent non seulement la population dans sa globalité, mais qui sauront aussi répondre aux objectifs et mener à la prise des meilleures décisions possibles. Avant de lancer les invitations, il faut ainsi avoir bien cerné les objectifs de la démarche. Est-ce une consultation exploratoire ou une validation finale ? Est-on en amont d’un projet structurant ou en phase finale ? Les réponses à ces questions orientent non seulement le nombre et le type de participants à mobiliser, mais aussi les méthodes à privilégier (forums, tables sectorielles, questionnaires, ateliers participatifs, etc.).

L’expertise… même à contre-courant

Dans certains dossiers, notamment ceux touchant l’environnement, l’aménagement du territoire ou la prospérité économique, les décisions doivent s’appuyer sur des données probantes, des analyses rigoureuses et des projections à long terme. Les experts — scientifiques, économistes, urbanistes, etc. — apportent un éclairage essentiel qui peut parfois provoquer un choc avec l’opinion la plus largement répandue (ou celle des personnes qui parlent le plus fort !). Cette tension n’est pas un échec de la consultation et est, au contraire, un signal précieux : celui qu’une décision éclairée ne vise pas nécessairement à répondre à la majorité, mais qu’elle sert plutôt l’intérêt collectif, souvent dans une perspective de durabilité ou de responsabilité intergénérationnelle. Intégrer ces voix expertes dans le processus permet donc de mieux balancer les aspirations citoyennes avec les impératifs sociétaux, environnementaux ou économiques.

L’art de l’équilibre

Rechercher une véritable représentativité, c’est donc marcher sur une fine ligne. En priorisant la quantité de répondants, on risque de se noyer dans une masse de données potentiellement biaisées. En misant trop sur la qualité, on court le risque de tomber dans un certain élitisme involontaire. Le défi, c’est de créer un écosystème d’écoute où les voix des citoyens et celles des experts sont entendues proportionnellement à l’enjeu discuté. Évidemment, il faut aussi porter attention à la diversité des points de vue — les jeunes, les aînés, les personnes autochtones, les communautés culturelles, les voix marginalisées, etc. Chaque groupe apporte une brique essentielle à une prise de décision éclairée.

Cela exige une rigueur méthodologique de la part des professionnels chargés de mener de telles démarches : segmentation des publics, neutralité dans l’animation ou dans les formulations écrites, transparence dans le traitement des résultats. Aussi, et surtout, il faut avoir l’humilité nécessaire pour avoir un regard critique sur les limites de chaque approche. Même les meilleures consultations ne sont pas parfaites. Si elles sont bien menées, elles peuvent en revanche faire émerger une intelligence collective porteuse et des solutions solides et consensuelles à de grands défis de société.

On s’en parle bientôt ?